Reprendre le contrôle de sa vie et lâcher-prise… mais de quoi exactement ?
- Michaël SERVAGE

- 20 oct.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 oct.

Sur la page principale du site, il est écrit “Prenez le contrôle de votre vie”. Cette phrase n’est pas à prendre au pied de la lettre. Elle n’est pas une injonction à tout maîtriser, ni un slogan vide de sens. C’est une invitation à réfléchir à une question essentielle : qu’est-ce qu’on cherche à contrôler, et pourquoi ?
Le mot “contrôle” résonne fort, souvent parce qu’il est associé à la sécurité, à la stabilité, à la maîtrise de soi. Pourtant, vouloir tout contrôler est souvent le reflet d’une peur sous-jacente : celle de perdre pied, d’être pris de court, ou de ne pas savoir réagir à l’imprévu.
Mais à l’inverse, le “lâcher-prise” n’est pas non plus une solution absolue. Lâcher prise de quoi ? Faut-il tout lâcher, même quand on s’accroche à la dernière branche avant la chute ? Ces deux notions, omniprésentes dans le langage du développement personnel et de la thérapie, ne sont pas des vérités générales. Ce sont des concepts qui doivent être compris de manière spécifique, à travers le vécu, les émotions et les besoins de chaque personne.
Le contrôle et le lâcher-prise : deux extrêmes d’un même axe
Il n’existe pas quelqu’un qui ait “un problème de contrôle” en général. De la même manière, il n’existe pas de personne qui ait “un problème de lâcher-prise” de manière globale. Nous cherchons tous à contrôler certaines choses et à lâcher sur d’autres. La clé se trouve dans la flexibilité, cette capacité à ajuster notre comportement selon la situation.
Et c’est là que la science éclaire nos fonctionnements. Notre cerveau, par nature, cherche à réduire l’incertitude. C’est une machine prédictive, construite pour anticiper. Le cortex préfrontal, siège de la planification et de la décision, travaille en permanence à maintenir un sentiment de cohérence entre ce que nous pensons, ressentons et faisons. Ce besoin de cohérence est fondamental, car il nous donne la sensation de sécurité psychique. Mais il a un coût : il pousse parfois à surcontrôler, à verrouiller ce qui pourrait échapper à notre influence, même quand cela n’a plus de sens.
Quand le contrôle devient un transfert de pouvoir
Paradoxalement, il arrive aussi que nous déléguions notre contrôle à certaines choses extérieures. Un fumeur, par exemple, finit par donner une forme de pouvoir à la cigarette : elle devient un régulateur d’émotion, un outil pour gérer le stress, l’ennui ou la solitude. De la même manière, certaines personnes donnent le contrôle à des habitudes, à un travail, à une relation, ou même à une émotion.
Ce n’est pas un manque de volonté, c’est un mécanisme d’adaptation. Le cerveau cherche à maintenir une forme d’équilibre, même s’il utilise parfois des stratégies qui finissent par nous desservir. Dans ces cas-là, “reprendre le contrôle” signifie reprendre la main sur ses propres automatismes, retrouver la capacité de décider plutôt que de réagir. Les neurosciences montrent que ce processus implique la reconnexion entre le cortex préfrontal et les structures limbiques, c’est-à-dire un dialogue plus fluide entre la raison et l’émotion. C’est cela, en réalité, le véritable contrôle : une coordination, pas une domination.
Le corps ne ment pas
Sur le plan émotionnel, le contrôle absolu devient une illusion épuisante. Le corps, lui, ne ment pas. Les tensions musculaires, les troubles du sommeil, les pensées qui tournent en boucle ne sont souvent que des signes d’un cerveau qui tente de maîtriser l’incontrôlable.
À l’inverse, un lâcher-prise mal compris peut se transformer en résignation, en déconnexion émotionnelle, voire en perte de repères. C’est pour cela qu’en séance, on ne cherche pas à “lâcher prise” de manière aveugle, ni à “reprendre le contrôle” de tout. On cherche à remettre du sens, à retrouver une forme d’équilibre.
L’hypnose : un laboratoire du contrôle et du lâcher-prise
L’hypnose est un outil remarquable pour cela, parce qu’elle permet de recréer un espace intérieur où l’on peut expérimenter les deux. En état hypnotique, le cerveau entre dans une forme de flexibilité accrue. Les régions associées au contrôle cognitif se relâchent légèrement, laissant la place à d’autres circuits, plus émotionnels, plus intuitifs.
C’est dans cet espace que la personne peut réapprendre à faire confiance à ses automatismes, à ressentir plutôt qu’à vouloir comprendre ou diriger. Les études en neurosciences ont montré que pendant les états hypnotiques, la communication entre le cortex préfrontal (lié au contrôle) et les structures limbiques (liées à l’émotion et à la mémoire) se modifie. Cela ne veut pas dire que le contrôle disparaît, mais qu’il devient plus souple, plus fluide. L’esprit apprend à déléguer certaines tâches à des processus inconscients qui savent souvent mieux que nous comment réguler une émotion, un comportement ou une tension.
Trouver la juste place du contrôle
Le travail thérapeutique consiste donc à redonner au contrôle sa juste place. À apprendre à faire la différence entre ce qui dépend de soi et ce qui n’en dépend pas. À réapprendre que le vrai pouvoir n’est pas dans la maîtrise constante, mais dans la capacité à s’ajuster, à choisir consciemment quand diriger et quand laisser faire.
Et si finalement, reprendre le contrôle de sa vie, ce n’était pas chercher à tout diriger, mais simplement redevenir l’auteur de ses choix ?
Michaël Servage




Bel article bravo ✌🏻