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Pourquoi savoir pourquoi ?

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Pourquoi chercher une cause ? Pourquoi vouloir absolument savoir pourquoi on va mal, pourquoi ceci nous arrive maintenant, pourquoi ce symptôme plutôt qu’un autre ? C’est une question que je me suis posée pendant mes études, pendant mes formations, et au fil de milliers de séances. Je vous le dis tout net, cet article ne donnera pas une réponse définitive. J’espère simplement vous donner une raison de le penser un peu autrement.

Je ne compte plus les personnes qui, assises en face de moi, me demandent:


« pourquoi ? »


Toujours avec la même urgence : pourquoi je suis anxieux ?, pourquoi ceci m’est arrivé à moi ?, pourquoi maintenant ? Cette question est profondément humaine. L’espèce humaine est née curieuse, elle veut comprendre, démêler le monde, donner un sens aux événements. Notre cerveau, comme la nature, n’aime pas le vide : il remplit. Si je vous demande la couleur de la voiture de mon voisin, vous n’y avez pas répondu consciemment, et pourtant vous avez déjà imaginé une voiture. Le vide cognitif est comblé aussitôt.

Parfois les causes sont évidentes. Je suis tombé en panne parce que je n’avais plus d’essence. Parfois elles sont floues, nébuleuses, mêlées. Vous pensez « je suis anxieux parce que mes parents l’étaient ». Est-ce la seule raison ? En êtes-vous certain ? Rarement. La quête du pourquoi se noie souvent dans l’invérifiable. On peut formuler des hypothèses plausibles, mais la certitude fait défaut.



Mémoire, reconstruction et erreurs d’interprétation

Nous avons la fausse impression que notre passé est bien connu, parce que nous l’avons vécu. En réalité, notre mémoire consciente contient un pourcentage infime de tout ce que nous avons vécu, et ces souvenirs sont reconstruits chaque fois que nous les rappelons. La recherche en psychologie cognitive montre que les souvenirs se recomposent à chaque rappel, influencés par notre état actuel, nos croyances, et les récits qu’on nous a faits. Il arrive même que des détails soient ajoutés, modifiés, ou que des événements soient “reconstruits” autour d’une explication rassurante.

C’est pour cela que des explications sur l’origine de nos difficultés, même convaincantes, peuvent être fausses. Elles peuvent néanmoins devenir performatives. Si vous vous dites « je suis comme ça parce que mes parents étaient ainsi », vous créez une histoire qui vous dispense d’agir, parfois sans même en être conscient. Comprendre pourquoi peut alors servir à rationaliser l’immobilité, plus qu’à favoriser le changement.



Le piège des histoires rassurantes

En thérapie, il est tentant d’élaborer un récit cohérent, une cause qui explique tout. Professionnels et clients contribuent parfois à construire ces récits. Trois lectures se superposent souvent : celle du client, celle du thérapeute, et celle du cadre théorique. Ensemble, elles peuvent aboutir à une explication qui soulage, qui rassure, mais qui n’améliore pas forcément le quotidien. Savoir « pourquoi » n’implique pas automatiquement que l’on sache « comment » faire autrement.

C’est pour cela qu’il faut rester prudent. La quête du pourquoi peut devenir un refuge intellectuel ; elle peut détourner de la question pratique, de la question du comment : comment cela se manifeste dans vos journées ? à quels moments précis ? quels déclencheurs ? quelles sensations corporelles précises ? Ces données concrètes sont souvent plus utiles pour modifier l’expérience vécue.



En hypnose : traiter l’émotion, pas la certitude causale

En hypnose, quand on propose une régression, on travaille avec le passé et les émotions qui émergent, pas avec une prétendue vérité historique. Une personne peut retrouver un souvenir, y sentir une émotion très forte, et en sortir plus légère. Mais cela ne veut pas dire que le souvenir est littéralement factuel, ni que l’explication qui en découle est la “bonne” cause. L’important, en séance, c’est l’émotion ressentie et sa transformation.

Concrètement, on traite l’émotion, on ressource la personne, on recadre, on transforme la charge affective. On n’impose pas d’interprétation causale. L’objectif n’est pas de prouver un passé, mais d’apaiser une réponse qui persiste aujourd’hui.



Hasard, destin, sens : pourquoi on cherche encore

La quête du pourquoi croise forcément les notions de destin et de hasard. Nous cherchons du sens, nous voulons croire qu’il y a une raison, une place, un rôle. Les religions, les récits culturels et les philosophies ont toujours tenté de répondre à cette soif de sens. D’un point de vue évolutif, c’est normal : croire en une continuité, en une finalité, rassure face à l’immensité du monde.

Pourtant, beaucoup d’événements résultent d’une chaîne de causes multiples et souvent invisibles. Dire que c’est “le destin” ou “parce que mes parents” peut combler une angoisse existentielle, mais cela peut aussi nous priver d’un travail concret. La vie est à la fois contingente et causale, pleine d’enchaînements dont nous ignorons la plupart.



Alors que faire ? Se concentrer sur le comment

Savoir pourquoi peut être utile, si cela éclaire la pratique. Mais souvent, mieux vaut se demander : comment cela se manifeste ? comment je le vis, au quotidien ? à quel moment précis ? avec qui ? dans quelles circonstances ? Quels sont les déclencheurs, quelles sont les sensations corporelles exactes, quels sont les comportements qui s’enclenchent ? Ces questions vous ramènent à l’action possible.

En hypnose et en thérapie brève, l’accent est mis sur ces « comment » précis : repérer les moments, décomposer l’épisode en éléments observables, travailler sur la chaîne stimulus/réponse, modifier les schémas, recadrer l’émotion. On sollicite la neuroplasticité, on crée de nouvelles connexions, de nouvelles habitudes. On transforme l’expérience présente, indépendamment d’une certitude sur le passé.



Une invitation à l’action plutôt qu’à l’explication

Si l’on retient une chose, c’est celle-ci : la quête du pourquoi est humaine et légitime, mais elle peut devenir une impasse si elle sert surtout à se rassurer sans agir. La curiosité est une force, mais elle doit être mise au service du changement, pas seulement de l’explication.

Plutôt que de chercher à prouver un passé, essayez de préciser un présent. Notez quand la sensation survient, quels gestes l’accompagnent, comment votre corps réagit, quelles pensées précèdent l’émotion. Travaillez sur ces éléments, testez de petites modifications, observez. C’est ainsi que les choses bougent.

En fin de compte, savoir pourquoi peut enrichir notre compréhension, mais c’est le comment qui nous rend libres de choisir. Concentrons nous sur le comment, et la possibilité de changer deviendra plus réelle.





Michaël Servage

4 commentaires


Lilulilu
Lilulilu
il y a 2 jours

"Si l’on retient une chose, c’est celle-ci : la quête du pourquoi est humaine et légitime, mais elle peut devenir une impasse si elle sert surtout à se rassurer sans agir" : ça c'est beau (et agaçant) 😁👌🏻

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Michaël SERVAGE
Michaël SERVAGE
il y a 2 jours
En réponse à

Très heureux de t'avoir agacé en beauté.

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Mathilde Solignat
Mathilde Solignat
il y a 2 jours

Franchement très pratique et facile a appliquer ! Merci

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Michaël SERVAGE
Michaël SERVAGE
il y a 2 jours
En réponse à

Merci !

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