Pourquoi notre cerveau déteste l’incertitude ?
- Michaël SERVAGE

- 20 oct.
- 5 min de lecture

L’incertitude. C’est peut-être l’une des choses que notre cerveau supporte le moins. Quand on ne sait pas ce qui va se passer, quand une réponse tarde, quand un avenir semble flou, une tension s’installe à l’intérieur, presque physique. Certains la ressentent dans le ventre, d’autres dans la gorge, d’autres encore dans la tête qui tourne sans arrêt autour des mêmes questions. Pourtant, l’incertitude fait partie de la vie. Alors pourquoi notre cerveau la vit-il si mal et surtout, comment l’hypnose peut-elle aider à l’apprivoiser sans chercher à tout contrôler ?
Le cerveau, une machine à prévoir
Notre cerveau humain est conçu pour détecter les dangers et rechercher la sécurité, il perçoit l’incertitude comme une menace potentielle, ce qui peut provoquer du stress, de l’anxiété ou des réactions émotionnelles intenses. Cette sensibilité n’est pas une faiblesse, elle est le fruit de plusieurs centaines de milliers d’années d’évolution, où la survie dépendait de notre capacité à anticiper les risques et à réagir rapidement aux imprévus. Aujourd’hui, dans la société moderne, les menaces ne sont plus uniquement physiques mais souvent abstraites et complexes, et notre cerveau, qui n’a pas changé aussi vite que notre environnement, continue de mettre l’accent sur ce qui est négatif, ce qui explique pourquoi nous nous souvenons plus facilement des événements désagréables, des retards ou des erreurs plutôt que des réussites ou des situations ordinaires. Il est naturel que le cerveau mette l’emphase sur ce qui est négatif, parce que pour nos ancêtres, identifier les dangers était vital, alors que maintenant nos problèmes sont beaucoup plus complexes, mais la boucle cérébrale reste la même.
Quand tout est prévisible, une routine, une habitude, un environnement familier, le cerveau peut se reposer. Il dépense peu d’énergie, il se sent en sécurité. Mais dès que quelque chose échappe à cette logique, il se met en alerte. L’incertitude est alors vécue comme une forme de danger potentiel. On observe dans les études de neurosciences que des zones comme l’amygdale et le cortex préfrontal s’activent fortement lorsqu’une personne se trouve face à l’inconnu. Le cerveau tente d’analyser, de calculer, d’imaginer tous les scénarios possibles. C’est ce qu’on appelle le besoin de fermeture cognitive, une tension interne qui pousse à vouloir des réponses, quitte à les inventer. Ce mécanisme explique pourquoi on peut se sentir épuisé par le doute ou le “je ne sais pas”. Notre cerveau veut remplir le vide, souvent avec des hypothèses négatives, et préfère une mauvaise certitude à une incertitude prolongée.
L’incertitude au quotidien
Au quotidien, de nombreuses situations échappent à notre contrôle, qu’il s’agisse de décisions professionnelles, de relations personnelles, ou d’événements imprévus. Le cerveau, programmé pour anticiper et minimiser les risques, peut alors réagir par de l’anxiété, de l’inquiétude ou du doute, ce qui est une réaction naturelle, directement liée à ses circuits neuronaux de vigilance et de traitement des menaces.
Il est vrai aussi que durant les séances, on rappelle souvent ce qui semble évident mais qui, dans la vie quotidienne, ne l’est pas : quoi qu’il arrive, on ne peut pas savoir ce que l’avenir nous réserve, il est impossible de lire le futur. Être optimiste consiste finalement à croire en l’avenir sans preuve, ce qui fonctionne exactement de la même manière pour un pessimiste. C’est pour cela que j’invite souvent à adopter une vision plus neutre de l’avenir, où toutes les options restent possibles. Cela signifie que si nous avons la capacité de nous projeter dans un futur inquiétant, nous avons aussi la capacité de nous projeter dans un futur positif, car il s’agit du même mécanisme : croire en un avenir incertain sans preuve. De la même façon, il est impossible de savoir exactement ce que pensent les autres, ce qui crée une incertitude supplémentaire dans nos relations. Très souvent, la solution la plus simple est aussi la plus efficace : ne pas tirer de conclusions hâtives, ne pas interpréter, mais partager sincèrement ce que l’on ressent et demander à l’autre ce qu’il ressent permet de créer une communication plus claire et plus apaisée.
Ce que l’hypnose change
L’hypnose agit directement sur le subconscient, permettant de réguler les réactions automatiques du cerveau face à l’incertitude. Des études neuroscientifiques montrent que l’hypnose peut modifier l’activité dans les zones cérébrales liées à l’anxiété et à la perception de menace, comme l’amygdale et le cortex préfrontal. Pendant les séances, des techniques de relaxation et de visualisation permettent de calmer le système nerveux, de diminuer la vigilance excessive face aux risques perçus et de réorganiser les schémas de pensée pour que l’incertitude ne déclenche plus automatiquement stress ou anxiété. Les patients apprennent à tolérer l’inconnu, à rester centrés sur l’instant présent et à renforcer leur confiance dans leur capacité à gérer l’imprévisible. L’hypnose ne cherche pas à éliminer l’incertitude, ce serait impossible, mais à modifier la manière dont on la vit. Au lieu d’être subie, elle devient tolérable. On apprend à la ressentir sans paniquer, à l’observer sans la juger, c’est un apprentissage profond qui permet de comprendre que ne pas savoir n’est pas un danger.
Le calme de ne pas savoir
En séance, on travaille sur la capacité à retrouver du calme même quand tout n’est pas clair. À travers des métaphores, comme celle d’un brouillard dans lequel on avance sans tout voir, mais en sachant que la route existe,
on apprend au cerveau à faire confiance à ses capacités internes plutôt qu’à son besoin de tout prévoir. Progressivement, le corps réapprend à relâcher ses tensions, l’hypervigilance s’apaise, le mental cesse de tourner en boucle. Le silence intérieur qui s’installe alors n’est pas vide, il est plein de présence. Et c’est souvent là que le changement se produit. Quand le cerveau comprend qu’il peut exister dans l’incertitude sans être en danger, quelque chose s’ouvre. Les choix deviennent plus libres, les émotions plus fluides, la vie moins menaçante.
La valeur du doute
Il est aussi nécessaire de se rappeler que l’incertitude et le doute ne sont pas seulement inconfortables, ils sont des moteurs essentiels de notre évolution et de notre développement personnel. Le doute, souvent perçu négativement dans nos sociétés qui valorisent la certitude, la détermination et l’ambition, est en réalité un signal adaptatif puissant. Sur le plan neurologique, le doute active des circuits cérébraux liés à la réflexion critique, à la planification et à l’apprentissage, notamment le cortex préfrontal, qui nous permet de peser différentes options et d’anticiper les conséquences. Il stimule également l’hippocampe, impliqué dans la mémoire et la création de nouvelles connexions, favorisant la flexibilité cognitive. Ainsi, le doute nous pousse à remettre en question nos croyances, à ajuster nos idées et à imaginer des solutions créatives, ce qui est fondamental pour prendre de meilleures décisions, développer de nouveaux projets et évoluer dans un environnement complexe. Bien que ce processus puisse générer une certaine tension intérieure, il représente une force de développement indispensable, car il nous prépare à nous adapter, à apprendre et à avancer avec plus de conscience et de discernement.
Pour conclure
Notre cerveau déteste l’incertitude parce qu’il associe le flou à la survie. Mais cette réaction, utile jadis pour fuir les prédateurs et gérer des problèmes moins complexes, devient aujourd’hui une source majeure d’anxiété. L’hypnose, en reconnectant l’esprit et le corps, permet d’apprivoiser cet espace inconfortable et d’y trouver une forme de sécurité intérieure. Elle ne promet pas la certitude, mais elle redonne la paix et permet de vivre plus librement dans un monde imprévisible.
Michaël Servage




Merci pour cet éclairage
Ah cette bonne vieille incertitude... :')