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Quand les mots deviennent des maux

Dernière mise à jour : 28 oct.

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Les mots ont un poids. Ils façonnent notre manière de penser, d’agir, de ressentir. Ce que nous disons influence ce que nous croyons, et ce que nous croyons façonne ce que nous vivons. Les mots ne sont pas neutres : ils orientent l’attention, colorent les émotions et finissent par créer des chemins neuronaux durables dans le cerveau. Quand un mot est répété, pensé, ressenti, il devient une expérience. C’est pour cela que le langage n’est pas seulement un outil de communication, mais une structure invisible qui modèle la pensée, les émotions et même le corps.


Le langage façonne la pensée

Depuis les travaux du linguiste Benjamin Lee Whorf, une hypothèse revient régulièrement en sciences cognitives : celle que la langue influence la pensée. Selon cette idée, appelée hypothèse Sapir-Whorf, la structure de notre langue façonnerait notre manière de percevoir le monde. Même si cette hypothèse est aujourd’hui nuancée, de nombreuses études montrent que les mots que nous utilisons modifient notre perception. Par exemple, une étude publiée dans PNAS (Winawer et al., 2007) a démontré que les locuteurs russes, dont la langue distingue plusieurs nuances de bleu, identifient plus rapidement les variations de cette couleur que les anglophones. Autrement dit, les mots que nous avons influencent ce que nous voyons réellement.

Nous pensons donc dans une langue, pas seulement avec des idées. Et quand cette langue utilise certains mots plus souvent que d’autres, elle oriente notre attention.

Dire « je suis stressé » active dans le cerveau les circuits liés à la vigilance et à la tension. Dire « j’ai besoin de calme » oriente plutôt vers des réseaux liés à la régulation émotionnelle. Les mots sont des leviers : ils activent des zones précises de notre cerveau, notamment le système limbique, où se logent les émotions.


Les mots créent des états

Les neurosciences montrent que le cerveau ne fait pas toujours la différence entre ce qu’il imagine et ce qu’il vit réellement. Quand on pense à une situation stressante, les mêmes régions s’activent que lors d’une expérience vécue : l’amygdale, l’hippocampe et le cortex préfrontal. C’est pourquoi les mots peuvent déclencher des réactions physiques : rythme cardiaque qui s’accélère, respiration qui se bloque, tensions musculaires.

Prenons un exemple simple : si je vous dis malheur, angoisse, cauchemar, vous ressentez une légère contraction. À l’inverse, amour, paix, force détendent naturellement le visage. Ces effets sont mesurables. Des études d’imagerie cérébrale ont montré que des mots positifs activent le cortex préfrontal gauche, associé à la motivation et au bien-être, tandis que des mots négatifs renforcent l’activité de l’amygdale, siège de la peur.

C’est là que le langage devient une sorte de médicament mental. Répéter certaines phrases, certaines tournures, c’est comme répéter des gestes musculaires : on renforce un réseau, on entretient une habitude. Dire souvent « je n’y arriverai pas » finit par créer dans le cerveau un raccourci émotionnel entre échec et soi-même. À force, ce n’est plus une phrase, c’est une identité.


L’imagination plus forte que la réalité

Nous savons, rationnellement, que l’avion est le moyen de transport le plus sûr au monde. Pourtant, la peur de l’avion reste une des phobies les plus courantes. Cela s’explique par la force de l’imagination. Le simple fait de penser à un danger active les mêmes zones cérébrales que si le danger était réel. L’esprit simule la scène, le corps réagit, et la peur s’ancre. L’imaginaire dépasse la statistique.

C’est exactement ce qui se produit avec les mots : ils sont des amorces d’imagination. Dire « je risque d’échouer » fait naître les images, les sensations, les émotions associées à l’échec. Dire « je me prépare à réussir » fait naître un autre univers. Rien n’a encore changé dans le réel, mais déjà tout a bougé à l’intérieur.


Les mots de la peur et ceux de la confiance

Là où certains mots ferment, d’autres ouvrent. Le cerveau humain est particulièrement sensible à la formulation négative. Si je vous dis : ne pensez pas à un éléphant rose, vous êtes obligé d’y penser pour comprendre ce que je vous demande. C’est un réflexe cognitif : le cerveau doit d’abord créer l’image avant de la nier. C’est la raison pour laquelle les phrases négatives sont souvent contre-productives. Dire à un enfant « ne cours pas » lui fait imaginer l’action de courir. Dire « marche tranquillement » active un comportement complètement différent.

C’est pour cela qu’il est important de choisir consciemment les mots que nous utilisons. Au lieu de dire « j’espère ne pas mal dormir », dire « je me réveillerai reposé » installe une autre attente. Au lieu de dire « je veux arrêter de fumer », dire « je veux retrouver ma liberté ». Ces nuances ne sont pas anodines : elles orientent le cerveau vers une représentation positive plutôt que vers la peur d’un manque.


Quand on perd le contrôle des mots

Nous donnons parfois notre contrôle à certaines choses, sans même nous en rendre compte. Le fumeur le donne à la cigarette, le perfectionniste à son besoin de bien faire, le stressé à ses pensées automatiques. Dans tous les cas, le mot devient maître. L’hypnose aide à reprendre ce contrôle, non pas en forçant, mais en reprogrammant la manière dont les mots se connectent à nos émotions. Par exemple, en remplaçant le mot « manque » par « besoin », ou « échec » par « étape ». Ces reformulations créent de nouveaux chemins neuronaux, plus souples, plus cohérents avec nos objectifs.

C’est ce qu’on appelle la neuroplasticité linguistique : la capacité du cerveau à se remodeler à partir de nouveaux mots, de nouvelles associations. Chaque fois que nous modifions notre langage interne, nous modifions aussi la carte émotionnelle de notre esprit.


En hypnose : quand le mot devient vécu

En hypnose, les mots deviennent littéralement des réalités sensorielles. Une simple suggestion comme « votre main devient légère » peut activer les zones motrices du cerveau responsables de la sensation de légèreté. Des chercheurs comme Pierre Rainville ont montré que sous hypnose, les métaphores verbales activent les mêmes réseaux neuronaux que les sensations réelles.

Cela montre à quel point le langage et le vécu corporel sont liés. Le mot n’est pas seulement une description : il est une expérience. Quand on parle d’apaisement, de chaleur, de lumière, le corps réagit, les muscles se détendent, la respiration se synchronise. C’est aussi pour cela qu’une séance d’hypnose bien menée repose avant tout sur la précision et la bienveillance des mots employés.


Alors... parlez !

Les mots ne sont pas de simples sons. Ils sont des structures vivantes, capables d’activer, de figer ou de libérer. Ils forment les fondations invisibles de nos émotions et de nos comportements. En prendre conscience, c’est déjà reprendre une part de pouvoir sur soi.

Alors oui, changez vos mots. Laissez-les aller là où vos objectifs sont, et observez ce qui change. Et au lieu de vous dire n’en doutez pas, soyez-en certains.





Michaël Servage

2 commentaires


Bel article qui explique bien des "maux"

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En réponse à

Merci 🙏

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